Cet ouvrage rassemble pour la première fois les articles sur l’histoire des migrations juives marocaines publiés par Yolande Cohen et son équipe. Adoptant d’emblée une perspective située, comme émigrante originaire du Maroc, Yolande Cohen présente ici les résultats d’une enquête croisant histoire orale, travail d’archives et dépouillement de journaux.
Cette perspective globale permet de mieux identifier le déracinement du Maroc, la dispersion et l’établissement de ces populations en France et au Canada. Parce que ces migrations ont lieu dans l’après-Shoah et alors que l’empire français se défait en Afrique du Nord, ces populations se retrouvent dans une situation inédite, où l’exil s’impose à elles.
Comment et pourquoi cette population a-t-elle quitté le Maroc pour venir s’établir au Québec ? À l’instar de la population majoritaire francophone du Québec, qui s’affirme comme une société distincte au Canada, cette population à peine établie à Montréal, se distingue aussi de celle qui a tout fait pour l’accueillir, à savoir la population juive principalement ashkénaze et anglophone, en affirmant son attachement au fait français.
La comparaison avec la France permet de mettre en relief les politiques publiques ainsi que les pratiques des organisations juives transnationales mobilisées autour du soutien, de l’accueil et de l’établissement de ces populations anciennement colonisées par la France au Maroc.
L’originalité de notre recherche tient aussi à l’attention spéciale que nous avons accordée aux récits des personnes qui ont migré et à leurs perceptions, qui alimentent une enquête unique sur trois cohortes de migrant.e.s. Leur attachement au Maroc, à la France et à Israël, qui se traduisent par d’incessantes migrations entre ces trois pôles, signale l’existence d’un champ migratoire transnational au sein duquel ils et elles pouvaient circuler.