Aller à la rencontre d'un lecteur, écrivain lui aussi, par-delà la distance, découvrir en lui un allié, prêt à défendre son oeuvre, ses idées, puis un ami à qui confier manuscrits, projets et sentiments: c'est ce que ces lettres auront permis d'accomplir à Michelle Le Normand, Léo-Paul Desrosiers et Henri Pourrat. Leur lecture, aujourd'hui, permet de redécouvrir ces écrivains, trop souvent enfermés dans des catégories rigides, auteurs pourtant d'oeuvres fortes et complexes comme Gaspard des montagnes ou Les engagés du Grand Portage. Apparaît ainsi à l'ombre de la NRF et de la figure tutélaire de Jean Paulhan un régionalisme moderne, transatlantique, préoccupé de psychologie, à la recherche d'une écriture portée par l'oralité. Se profile aussi, dans les lettres de Michelle Le Normand, une écrivaine aspirant à vivre de sa plume (ambition remarquable pour une Canadienne française), habitée par une profonde curiosité à l'endroit de la vie littéraire française. Cette correspondance permet ainsi de mieux comprendre comment on pouvait être écrivain, à Ambert et à Ottawa, au mitan du XXe siècle, comment la lettre permettait de penser et de dire son appartenance au monde littéraire.