La géopoétique nous engage à reconsidérer notre rapport à la Terre et à relier la pensée fondamentale qui nous anime à une pratique conséquente. C’est dans cet esprit qu’une vingtaine de membres de La Traversée ont fréquenté l’estuaire du fleuve Saint-Laurent, repère géographique vital sis à mi-distance du pôle et de l’équateur. Car s’il est un lieu de nature qui symbolise le territoire québécois et qui devrait féconder notre rapport à la Terre, c’est bien le Saint-Laurent, axis mundi de ce vaste territoire.
Les 20, 21, 22 mai 2017, nous avons donc mis le cap sur les rives du Saint-Laurent dans le cadre d’un Atelier nomade, c’est-à-dire que nous sommes allés voir le fleuve comme on se rend à un rendez-vous. Notons que la vue est ici métonymique de tous les sens; car il s’agissait aussi bien d’aller sentir et écouter que palper l’estuaire, sa flore, sa roche, sa vague. Nous nous engagions ainsi, du petit matin à la nuit tombée, à déployer nos sens de manière à prendre contact avec le fleuve, préambule à une rencontre intériorisée. Ce qui impliquait de penser l’estuaire tel qu’il nous apparaissait, sans le travestir; d’où la démarche in situ.
L’Atelier nomade Cap sur le Saint-Laurent se présentait sous le signe d’une double traversée : d’une part, la traversée d’une partie du territoire québécois dans l’axe diagonal du Saint-Laurent; d’autre part, une traversée du fleuve en traversier. L’aller nous a menés de l’île de Montréal par la rive nord jusqu’à Québec, puis par la rive sud (Route des Navigateurs) jusqu’à Rivière-du-Loup, où nous avons fait escale en auberge de jeunesse pour la nuit. De là, nous avons pris le traversier pour Saint-Siméon, puis avons remonté par la rive nord (Route du Fleuve) vers Pointe-au-Pic, lieu d’une seconde escale en auberge de jeunesse. Nous sommes repartis le troisième jour vers Baie-Saint-Paul et l’île d’Orléans, pour enfin rallier nos foyers.
Le parcours a été ponctué de très nombreux arrêts, surtout sur des quais, prétextes à des échanges sous forme d’interventions, de lectures et de présentations. Sans compter des contributions et partages spontanés. À La Traversée, nous pratiquons en effet une géopoétique basée sur l’échange.
On trouvera donc, dans ce Carnet de navigation, des textes — proses et poèmes —, des photos et dessins, ainsi qu’un montage audio-visuel, qui ont en commun de revenir sur des moments de fréquentation du Saint-Laurent, la plupart en situation d’atelier nomade. C’est que, parfois, le terme d’une rencontre devient le commencement de l’écriture, du geste graphique…